Photographie et poésie
Depuis 1979, je travaille en photographie sur des séries qui s’élaborent et tournent autour d’un thème, d’une forme ou d’un concept s’amalgamant à des textes ou de la poésie. Les arts visuels et l’écriture ont toujours formé un tout indissociable dans ma démarche créatrice. Il en résulte des expositions ou des livres d’artiste. L’humour, le langage écrit, visuel ou littéraire, sont autant de clef, sont autant de voile. Peut-être aussi que l’épigramme me sert de pont entre ce que je ressens et ce que je suis prêt à montrer. Mes dernières séries d’œuvres numériques superposent des photographies à des dessins et/ou de l’écriture gestuelle en transparence ou en collage. Tous les signes qui s’installent dans mes images récentes, qu’il s’agisse de flèches, de chiffres, de symboles, de traces, de ruban masque ou de mots, orientent et dirigent la lecture tout en interférant avec elle. Depuis 2007, je fais aussi des livres d’artiste à tirage unique comme par exemple « Sur la mince ligne ; entre la mer et la terre » et « Porte-livre » fabriqués avec des livres anciens troués dans lesquels sont fixés des objets. Ces livres amorçaient un intérêt pour la sculpture délaissant le côté écriture des livres d’artiste précédents.
Sculpture/écriture
Le travail de la sculpture sur du bois flotté a commencé en 2012. J’ai réalisé près d’une centaine de personnages, animaux, créatures amalgamés aux textes du livre « Les tribus de la grève ». Je m’intéresse aux matières simples, celles qui s’offrent à moi lors d’une promenade au bord du fleuve. Ces morceaux de bois usés et séchés par l’eau prennent des formes sensibles qui m’interpellent. Je ne cherche pas à voir seulement un visage ou un corps, mais plutôt à transposer, par l’assemblage et la couleur, ce que je ressens. Une poésie mêlée d’humour enrobe comme un voile translucide l’angoisse parfois présente dans mon travail. Les œuvres récentes tanguent entre ces émotions et l’espoir.
Nature/architecture
La nature devient le thème pricipal lors de mes excursions rurales tandis que l’architecture patrimoniale est un sujet récurrent lors de mes promenades urbaines, certainement du à mes expériences de travail dans le domaine du patrimoine architectural. La solitude et le passage sont aussi des thèmes qui se reflètent dans plusieurs de mes prises de vue. Mais depuis plus de trente ans mon travail porte sur le passage du temps, que ce soit en photographie, en dessin, en image virtuelle ou en sculpture. Les textures que je photographie agissent comme renfort ; le bois usé, le métal rouillé, la peinture écaillée, les feuilles des arbres en transmutation, tout cela témoigne de ce qui se métamorphose. Depuis toujours ces effets de dégradation et de décomposition m’attirent et leurs beautés me parlent. C’est ce genre de jeu d’esprit et de matière que j’exploite présentement. Les traces matérielles du temps montrent l’empreinte laissée sur de nombreux détails de la nature et l’architecture. Les marques de l’usure et de la dégradation se transposent à celles que tous nous vivons de la naissance à la mort. Mais plus encore c’est un regard tranquille que j’essaie de poser sur ce qui m’entoure, sur ce qui m’arrive au fil des jours. Je choisis délibérément que le premier abord offre une version ludique et amusante. Même si le propos sous-jacent ne se révèle pas facilement, il demeure lié à ma recherche et en est le mortier. Mon choix de couleurs est en relation avec mes thèmes mais il prend aussi sa source, en lien avec la sobriété de l’œuvre d’Antoni Tàpies et Cy Twombly, avec les courants minimalistes ou ceux japonisants. Ainsi le blanc/neige, le bleu/mer, le beige/sable sont omniprésents dans mes séries de photographies et de dessins. Ils sont influencés sans aucun doute par mes nombreux séjours autour de la mer et principalement au bord du fleuve Saint-Laurent. Les tons d’ocres et d’orangés sur le métal, l’encre qui se délave, la peinture écaillée et les mots qui s’effacent voilà ce que j’ai toujours photographié au fil des années. Par contre les couleurs de terre, les rouges vifs ou brûlés nouvellement arrivés dans ma recherche, participent à mes derniers montages photographiques et sont en lien avec les thèmes de la maladie, du vieillissement et du temps qui passe.